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Clinique vétérinaire les Poumadères
Clinique vétérinaire "les Poumadères" - Centre de Reproduction des Carnivores du Sud-Ouest (CRECS)

Mastose féline : gonflement mammaire soudain

 

 

 

L’hypertrophie  rapide de(s) glande(s) mammaire(s) chez la chatte n’est pas toujours synonyme de tumeur, mais au contraire correspond parfois à une affection bénigne, la “mastose”.

Les tumeurs mammaires sont le 3ème type de tumeur le plus fréquent chez la chatte (14% des tumeurs) et sont malignes dans plus de 80% des cas. Ainsi, le plus souvent, l’apparition d’une masse mammaire au développement rapide incite le vétérinaire à préconiser une mammectomie radicale (exérèse de la chaîne mammaire) dans les plus brefs délais après un bilan d’extension.

Cependant, il existe chez la chatte une affection bénigne de la mamelle, ressemblant dans son évolution clinique initiale à celle d’une tumeur maligne, mais dont le pronostic et le traitement sont très différents.

Cette particularité de la chatte fut désignée sous de multiples noms depuis sa première description en 1973 : l’hypertrophie mammaire bénigne, la dysplasie mammaire, la fibroadénomatose mammaire, la mastose, etc.

 

Qu’est-ce que la mastose ?

 

La fibroadénomatose mammaire (FA), appelée aussi mastose,  correspond à une prolifération fibro-glandulaire rapide, diffuse, bien délimitée, avec développement des  d’une ou de l’ensemble des mamelles du chat.

Chez la chatte saine, le développement mammaire, au cours d’une gestation par exemple, correspond à une prolifération alvéolaire aux dépens du tissu conjonctif interlobulaire (stroma), contrairement à la FA où le stroma progresse dans le même temps que les composants épithéliaux.

 

Comment se crée une mastose ?

L’origine exacte du processus pathologique conduisant à la fibroadénomatose (FA) est encore incertaine.

En effet, les hormones et les nombreux facteurs de croissance intervenant dans l’installation des lésions fibroadénomateuses, assurent, pour la plupart d’entre elles, la régulation du développement mammaire normal.

Importance de la progestérone (gestation ou pseudo-gestation avec présence de corps jaunes) ou de ses analogues (progestagènes de synthèse) dans l’initialisation du processus. Cependant, de rares cas de FA chez des mâles ou des femelles stérilisées restent inexpliqués et le rôle de précurseurs de la progestérone est envisagé.

L’administration prolongée de progestatifs sous forme de “pilule” (acétate de mégestrol) ou une injection unique (acétate de médroxyprogestérone) suffit à induire une FA parfois difficile à traiter.

 

Quelles sont les chattes concernées ?

La FA est le plus souvent rencontrée :

-         chez des jeunes chattes dans les semaines (2 à 5 semaines) qui suivent leurs premières chaleurs. En effet, bien que la chatte soit une espèce à ovulation provoquée par le coït, 10 à 20 % des chattes peuvent ponctuellement ovuler spontanément et ainsi subir une imprégnation en progestérone d’au moins six semaines [18].

-         après l’administration de progestagènes de synthèse : administration répétée de la pilule (mégestrol) ou après une unique injection (médroxyprogestérone).

 

Quels sont les signes observés ?

La chatte présente rarement une altération de son état général, à l’exception des FA ulcérées qui sont parfois accompagnées d’un abattement et d’une baisse d'appétit.

Une augmentation du rythme cardiaque sévère est parfois notée lors d’une FA d’évolution très rapide. Celle-ci est parfois évoquée dans les risques de traitements chirurgicaux.

Le signe principal, et souvent unique, est le développement rapide (quelques jours) d'un grossissement mammaire de 1 à toutes les glandes

 La glande mammaire peut atteindre une taille impressionnante en quelques jours . Lors d’atteinte d’une ou deux mamelles seulement, les mamelles inguinales ou abdominales caudales (les dernières du bas) sont le plus souvent concernées.

 

En cas d’hypertrophie marquée, une rougeur, puis une nécrose de la peau, suivie par son ulcération (ouverture), peut apparaître (surtout accentuée par le léchage par la chatte).

 

 

Comment évolue une FA ?

         L’évolution de la FA est le plus souvent très rapide avec une hypertrophie se développant en moins d’une semaine. Cependant, l’hypertrophie peut parfois se poursuivre pendant une durée décrite de quatre semaines

Les récidives sont exceptionnelles dans les cycles ultérieurs. En cas de persistance d’un nodule ferme à la fin du traitement, il est conseillé d’en faire son exérèse afin de l’analyser et d’exclure la présence d’une tumeur bénigne (myxadénome, papillome intracanalaire, adénome papillaire ou kystique, ostéochondrome) ou maligne chez la chatte adulte (>6 ans). En effet, il est impossible, cliniquement, d’exclure avec certitude  la présence d’une tumeur.

La rémission totale des symptômes est rare en cas de FA induite pas des progestagènes : il persiste souvent un ou plusieurs petits nodules fermes qui devront être retirés. La FA n’est pas un stade lésionnel précancéreux, ainsi la persistance d’une FA n’augmente pas le risque de tumeur mammaire et ne justifie donc pas une mammectomie radicale.

 

Quels sont les examens complémentaires utiles ?

Avant toute décision thérapeutique, il est indispensable d’exclure une gestation chez la chatte. En effet, le traitement de la FA aurait pour conséquence d’induire un avortement.

Le diagnostic de gestation peut être confirmé à l’aide d’un examen échographique dans la grande majorité des cas (la FA apparaît le plus souvent dans la deuxième moitié de la gestation). En cas de doute (3 premières semaines de gestation), un dosage de la progestérone à un taux basal permet d’exclure une gestation (mais pas une FA).

Le recueil de l'historique associé à la présentation clinique est le plus souvent suffisant pour émettre une hypothèse de quasi-certitude de FA. Le diagnostic de certitude est le plus souvent thérapeutique, avec une rémission complète des symptômes dans les 5 semaines après la mise en place du traitement.

Cependant, en cas de doute dans le diagnostic différentiel avec une tumeur mammaire et étant donné l’agressivité des tumeurs mammaires chez la chatte, une analyse cytologique de la glande peut être préconisée en parallèle à la mise en place d’un traitement médical. 

 

Quels sont les traitements chirurgicaux possibles ?

 

  • la stérilisation chirurgicale:

La stérilisation permet de supprimer la source principale en stéroïdes sexuels responsable dans la majorité des cas de la FA et de régler la présence d’une gestation éventuelle.

Cependant, la stérilisation présente de nombreuses limites :

  • Inefficace chez la femelle dont l’imprégnation est exogène (progestagène)
  • Non souhaitable chez une femelle destinée à la reproduction.
  • Abord parfois difficile en cas de FA des deux chaînes mammaires

En outre, des auteurs décrivent une mortalité peropératoire ou postopératoire accrue suite à un collapsus cardiovasculaire.

Le collapsus semble être lié à un choc hypovolémique : lors de FA, certains chats présentent une tachycardie très élevée, la diastole devient alors très courte et il en résulte un mauvais remplissage des ventricules.

  • L’exérèse de la masse mammaire :

L’exérèse de la chaîne mammaire ou de la masse ne doit jamais être privilégiée en première intention, si l’apparition de la FA est présente depuis moins de 4 semaines :

-         La mammectomie ne retire pas la cause de la FA et celle-ci peut évoluer sur l’autre chaîne mammaire.

-         La FA peut évoluer pendant un mois avant de se stabiliser ou d’involuer spontanément. Ainsi, retirer une masse  ou une chaîne mammaire présente un risque de déhiscence de la zone de suture si la glande mammaire continue à s’hypertrophier.

-         Selon certains auteurs, le risque d’embolie vasculaire serait accru

Cependant, en cas de persistance d’une masse mammaire 6 semaines après la stérilisation ou après le début du traitement médical (cas fréquent en cas d’induction par des progestagènes), une exérèse de la masse doit être préconisée au propriétaire.

 

Existent-ils des alternatives médicales ?

Face aux limites des traitements chirurgicaux, différents auteurs ont mis au point et testé un protocole médical efficace et peu contraignant à l’aide de l’aglépristone.

L’aglépristone  est un antagoniste de la progestérone qui se lie aux récepteurs de la progestérone avec une affinité 9 fois supérieure à la progestérone naturelle.

Le traitement à l'aglépristone, différents protocoles existent, permet une rémission de la maladie dans 80% des cas chez les femelles mais aussi chez les mâles et animaux castrés.

 

Conclusion :

La fibroadénomatose présente une expression clinique souvent impressionnante pour le propriétaire et le vétérinaire, mais elle n’en demeure pas moins une affection bénigne.